SETE -  SERIGNAN Jeudi 10 septembre 2015

Journée organisée par Yves GODARD et Gloria HUET-GARCIA

Texte de Monique Eysseric. Photos de Danielle Couréjou et photos Internet

Jeunesse, énergie, enthousiasme ! Une expo décoiffante, la Figuration libre, au très sérieux Musée Paul Valéry de Sète, une expo bien sétoise toutefois, avec une sympathique bande de jeunes malappris survitaminés des années 80, irrévérencieux en diable, qui se flattaient de bouleverser les codes et conventions de la peinture pour faire éclater sur les cimaises d'ici et d'ailleurs - Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, chez Ben à Nice, galeries en Hollande, à Londres, New-York – tout un monde débridé et violent, risible et terrible à la fois, exprimant des peurs, des enthousiasmes, des émerveillements. Qui étaient-ils ? Les Sétois Robert Combas et Hervé Di Rosa auxquels s'adjoignent Rémi Blanchard et François Boisrond, suivis de Richard Di Rosa et Louis Jammes ; l'équipe rencontrera un peu plus tard, non pour un combat fratricide mais pour une stimulation réciproque, les Etats-Uniens Keith Haring et Jean-Michel Basquiat. Leurs productions nous explosent au visage comme des coups de poing : ce sont des coups d'éclat, un adieu à la « sinistrose du monochromatisme ». Formes sans complexe, couleurs débridées, c'est peut-être cela aussi, le Sud.

Nous sommes secoués par tant de vitalité, de radicalité dans l'affirmation d'une peinture qui se dévoile comme une culture universelle, par tant de liberté dans le tohu-bohu d'une expression qui nous était donnée jusqu'alors par des médias auxquels nous n'accordions pas le même statut : la BD, l'imagerie populaire, les cultures rock ou punk. Et l'homme, plus rarement l'animal, est au centre de toutes les représentations.

Au sortir du parcours guidé par une animatrice du musée, Yves nous invite à une lecture commentée  du Cimetière Marin du grand poète sétois Paul Valéry, un poème au rythme du décasyllabe qui évoque les recherches passionnées d'un homme tiraillé entre le bonheur du présent et les tourments liés au sens à donner à la vie, à la mort. Un moment d'émotion salutaire qui invite à se replonger dans ce poème-monde que tous nous avions perdu de vue depuis trop longtemps.

 

Puis la promenade nous conduit au restaurant la Voile blanche sur le port de Bouzigues qui nous fera goûter des plaisirs plus terre à terre ; mais c'est la déception pour nombre de thélémites : un peu trop résistants, les supions de l'entrée, vraiment pas typique, la darne de saumon. Faudra s'expliquer avec le patron !

 

Le café avalé, direction Sérignan qui jouit depuis deux ans d'un lycée comme on n'en voit peu. Le lycée Marc Bloch, du nom du grand historien victime des accointances entre l'idéologie nazie et le régime de Vichy, s'offre d'abord à la vue comme un monument cyclopéen sous la forme de vingt-quatre piliers de granit clair à base carrée, les pieds dans l'eau, dont la force impressionne. S'y pressent à cette heure-là des groupes de lycéens qui regagnent leurs salles de cours : pas intimidé par notre nombre et par notre âge tout de même respectable, l'un d'eux propose, et obtient, un selfie avec l'une d'entre nous ! Yves se fait le premier guide de l'établissement magistralement construit par l'architecte François Fontès qui a fait le choix d'un ensemble enraciné dans sa région, mais pas régionaliste. Succéderont comme guides un responsable pédagogique et un responsable technique.

Spécificité par le choix de matériaux du cru, granit des environs de Mazamet, ganivelles mises à contribution pour des usages divers, pare-soleil, cache pour les gaines et tuyaux disgracieux ; solutions visant à obtenir une basse consommation énergétique, esthétique des jardins méditerranéens qui articulent entre eux les différents bâtiments, esplanades (cours de récréation?) où des élèves se reposent sur des fauteuils d'un design séduisant... « Lycée génial et profs idem ! », nous confie une élève de première. Ados heureux ! Nous sommes comblés.

 

Sérignan réserve aux Béotiens d'autres surprises : le Musée Régional d'Art Contemporain aux façades qui annoncent et osent la couleur, des triangles ensoleillés qui ont subi des rotations (de Pi ou Pi/2 ; les physiciens adorent ça) sous la férule de l'artiste Buren - il ne fait pas que des colonnes, la preuve ! L'intérieur contient la fameuse « Cabane » du créateur auquel Yves nous initie depuis sa conférence du printemps dernier, et même dans l'autocar luxueux qui nous a conduits ici : des murs de couleurs vives, rouges, jaunes, bleus, verts, dont la particularité est d'avoir été évidés en leur centre par une sorte de fenêtre carrée, la matière enlevée ayant été projetée sur les murs mêmes du musée, et désormais dialoguant joyeusement avec les parois de la cabane. Très fort, Buren ! Il y a du ludique dans les installations et peintures des autres artistes ayant droit de cité ici mais aussi de quoi méditer. Sacrée journée, décidément.

Stimulés par l'enthousiasme de notre guide, nous courons, ou presque, vers la Collégiale Notre-Dame de Grâce dont la puissante silhouette ne se dévoile pas au premier regard : art gothique languedocien, véritable puzzle construit retouche après retouche au long d'une histoire complexe qui lui a donné son aspect spécifique et l'a même dotée d'un plafond de palais Renaissance ; histoire mais aussi géographie, puisqu'elle a vu l'Orb menaçant venir battre ses murailles.

 

Une autre œuvre moderne nous attend devant la salle de spectacle la Cigalière : notre cicerone l'avait plus ou moins annoncé, il y avait du Buren dans l'air, et c'est une de ces colonnades qui tricotent la célébrité de l'artiste. « Rayonnant » est constitué d’un ensemble d’alignements issus d’un même point, de colonnes ou piliers quadrangulaires de métal ajouré, éclairés la nuit de leds placées à l'intérieur. Ces alignements ont un double objet : d’une part, encadrer, mettre en valeur la façade de la Cigalière tout en créant un espace délicatement éclairé devant la salle, d’autre part souligner la fonction de cette salle. Les sommets des colonnes définissent deux plans virtuels dont l’intersection se situe exactement sur la scène de la salle de spectacle. Mystère et merveille de la création, un espace assurément ludique devant lequel certains peuvent être  décontenancés, une oeuvre qui s'offre à la contemplation de tous, une œuvre d'art à vivre au quotidien.

Merci Thélème pour cette belle journée !